Les « privilèges immobiliers spéciaux » protègent le créancier
L’un des changements principaux engendrés par l’ordonnance du 15 septembre est la suppression des « privilèges immobiliers spéciaux ».
Par le terme de privilège, le législateur désigne la sûreté qu’il accorde au créancier pour le protéger du risque de défaillance de l’emprunteur à le rembourser. Ce droit naît automatiquement avec la créance, et s’éteint avec elle. Il est opposable aux tiers. Ainsi, les privilèges immobiliers spéciaux confèrent donc au créancier un droit de suite (qui permet de saisir le bien entre les mains d’un tiers acquéreur) et un droit de préférence (qui lui permet d'être payé par en priorité sur les autres créanciers lors de la vente du bien immobilier donné en garantie).
Ce qui change avec les nouvelles « hypotheses legales speciales »
Parmi les privilèges immobiliers spéciaux existants jusqu’alors, deux (très peu usités) disparaissent :
- le privilège des architectes et entrepreneurs ;
- le privilège du prêteur de deniers pour le paiement des architectes et entrepreneurs.
En revanche, les autres sont remplacés par des « hypothèques légales spéciales » :
- celles du vendeur d'immeuble ;
- du prêteur de deniers pour l'acquisition d'un immeuble ;
- du syndicat des copropriétaires ;
- du copartageant ;
- de la séparation des patrimoines ;
- des accédants à la propriété titulaires d'un contrat de location-accession ;
- de l’État ou de la commune.
L’effet de cette modification est fondamental : la prise de rang se fait à l’inscription et non plus à la date de naissance de la créance.
Le « privilège du préteur de deniers » devient une « hypothèque légale »
Ainsi, le privilège du prêteur de deniers (PPD) devient une « hypothèque légale de prêteur de deniers », qui prendra rang à la date de son inscription au service de la publicité foncière et non de manière rétroactive au jour de la signature de l’acte de vente.
Cette nouveauté s’applique aux emprunts contractés à partir du 1er janvier 2022. Les privilèges déjà inscrits continueront, eux, de bénéficier de cette rétroactivité prévue par la loi ancienne, de même que ceux nés avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance pour autant qu’ils aient été inscrits dans le délai de deux mois à compter de la vente prévue jusqu’à présent.
Notons que la fiscalité et le formalisme de l’ancien PPD ne sont pas modifiés et resteront applicables en l’état. Le PPD pourra être mis en œuvre lorsque les conditions prévues à l’article 2375 du code civil sont remplies et l’emprunteur n’aura pas à payer la taxe de publicité foncière.
Une exception pour la nouvelle hypothèque spéciale du syndicat des copropriétaires
Le législateur a prévu une exception à l’exigence de publication pour l’hypothèque spéciale du syndicat des copropriétaires. Ainsi, elle s’inscrit dans la continuité du droit antérieur et « elle prime toutes les autres hypothèques pour l'année courante et pour les deux dernières années échues. Elle vient en concours avec l'hypothèque du vendeur et du prêteur de deniers pour les années antérieures. »
L’impact financier sera neutre puisque les inscriptions d’hypothèques légales seront exonérées de taxe de publicité foncière.