Cette dépendance est difficilement soutenable et l’Union européenne veut s’en libérer par la création d’un « Airbus des batteries ». Ce constructeur 100 % européen permettrait de relever le défi de produire localement et de façon durable des batteries pour les véhicules électriques.
Au niveau du territoire français, comme dans toute l’Europe, la transition énergétique appliquée à la mobilité soulève deux problèmes majeurs.
- Avec l’abandon des énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz) au bénéfice du nucléaire et du renouvelable (hydraulique, éolien, solaire, géothermie et biomasse), le premier problème à résoudre réside dans la décarbonation de la production énergétique.
- Le second problème de grande ampleur se situe au niveau de l’électrification des transports routiers. Selon le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA), l’ensemble des véhicules (voitures, poids lourds et utilitaires) en circulation représente près de 30 % du total des émissions françaises de gaz à effet de serre. Ainsi, pour qu’une électrification de grande envergure produise des effets positifs avec des véhicules « tout électrique », il s’avère indispensable de relocaliser dans les pays de l’hémisphère nord l’extraction des matériaux composant les batteries. Leur recyclage est également un problème important à traiter. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), plus de 6 batteries sur 10 (65 %) sont recyclées en France depuis 2018.
« L’ensemble des véhicules (voitures, poids lourds et utilitaires) en circulation représente près de 30 % du total des émissions françaises de gaz à effet de serre. »
Les métaux sont importés en quasi-totalité
Actuellement, l’Europe importe entre 75 et 100 % des métaux servant à fabriquer les batteries des voitures électriques et hybrides, ainsi que celles des ordinateurs et des smartphones. De son côté, la France se trouve dans une dépendance totale puisqu’elle importe presque 100 % des métaux dont les fabricants ont besoin. En matière de transport routier, la difficulté est accrue car une batterie de voiture requiert une capacité de 50kWh en moyenne, soit une puissance 1 000 fois plus élevée que pour une batterie d’ordinateur qui est d’environ 50Wh. Quant au smartphone, la capacité de sa batterie est encore cinq fois moins élevée en moyenne avec 10Wh. Selon les prévisions de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), entre 145 et 230 millions de véhicules électriques et hybrides seront en circulation à l’horizon 2030.
« L’enjeu de l’approvisionnement en métaux va devenir crucial avec l’explosion du parc électrique. Ce qui pose des questions fondamentales d’éthique et de souveraineté économique à chaque pays européen. »
Une source presque exclusive d’approvisionnement en lithium
La fabrication des batteries électriques, qui sont composées de cellules ─ à savoir des batteries individuelles reliées entre elles ─, nécessite plusieurs kilos de lithium ainsi que d’autres métaux comme du cobalt, du manganèse, du cuivre, du nickel et du zinc. L’extraction de la plupart de ces métaux se situe en Asie, en Afrique et en Amérique Latine où les forages s’opèrent dans des conditions humaines désastreuses.
Le lithium, métal essentiel dans la composition des batteries, est issu à 80 % des déserts de sel d’Amérique du Sud. Il provient du fameux « triangle du lithium » formé par la Bolivie, le Chili et l’Argentine. L’exploitation des mines de lithium et le traitement industriel du minerai qui en est extrait entraînent une pollution des sols, l’asséchement des rivières et la contamination des populations autochtones. Un tel désastre sanitaire et environnemental pourrait être évité sur le continent européen grâce à un dispositif réglementaire contraignant pour les compagnies minières.
À noter que le cobalt, qui est un minerai tout aussi important pour la conception des batteries, est extrait du sous-sol congolais pour la moitié de la production mondiale. Faisant très peu respecter les conditions de sécurité dans les mines exploitées sur son territoire, le Congo y tolère malheureusement le travail des enfants.
La richesse minérale du sous-sol français reste à exploiter
En plus du devoir éthique qui pèse sur les européens face à des pays où l’extraction de minerais ne respecte pas les droits humains et saccage l’environnement, c’est la souveraineté économique et industrielle de chaque pays européen qui est en jeu.
L’Europe ne peut plus faire reposer sa filière de construction de voitures électriques sur l’importation de métaux en provenance de régions où les zoonoses, les méga-feux et les inondations torrentielles menacent chaque année davantage et représentent un risque majeur pour la planète. D’autant plus que le potentiel en ressources minérales du territoire européen est sous-valorisé et sous-exploité à l’heure actuelle. Selon l’inventaire effectué en 2018 par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), les ressources en lithium français sont relativement importantes.
« Le BRGM en conclue qu’en mettant en place des procédés adaptés de traitement du minerai, la France pourrait devenir parfaitement autonome en lithium. »
De plus, des ressources en tungstène, or, plomb, zinc et cuivre se trouvent également dans le sous-sol français.
Un « Airbus des batteries » prend son envol
La relocalisation dans l’Hexagone de l’extraction des métaux exige des méthodes de forage respectueuses de la géologie du territoire français. Aussi, les techniques d’excavation accessibles d’un point de vue technologique doivent être rentables économiquement. Grâce au financement de nombreux projets de recherche et de construction d’usines de batteries, l’Union européenne vient de s’engager dans la promotion d’une filière lithium dans l’espace européen. Des « gigafactories » doivent voir le jour afin de renforcer la filière européenne émergente qui sera en mesure de répondre à une demande considérable dans un proche avenir. Comme le désignent les porteurs du projet, c’est un véritable « Airbus des batteries » qui permettra à terme de relever le défi de produire localement et durablement à partir de différentes sources géologiques, dans le respect de l’environnement.