Si les Hommes ont de tout temps écrit et raconté leurs histoires sur les murs (grottes de Lascaux, fresques antiques…), les spécialistes datent la création du street art comme art contemporain dans les années 1960 à Philadelphie aux États-Unis sous l’impulsion de deux artistes Cool Earl et Corn Bread. « Je préfère le terme art urbain à street art, appellation fourre-tout et utilisée parfois par des artistes qui n’ont jamais fait de rue », déclare Arnaud Oliveux, commissaire-priseur et directeur associé spécialisé dans l’art contemporain de la maison de ventes Artcurial.
Un art protéiforme…
L’art urbain trouve ses origines dans le graffiti, un travail réalisé à la bombe aérosol in-situ (murs, métros…). Mais l’une de ses particularités est d’être protéiforme : les pochoirs, le lettrage, les mosaïques, les stickers, les affiches, les installations… Si les techniques et approches sont différentes, tous ces artistes ont en commun la rue, les murs, le mobilier urbain, le côté illégal et subversif. Ils utilisent ces supports comme toile, les transformant en œuvres d’art, et moyen de communication et d’expression. Leur créativité sert à diffuser des messages à caractère politique, sociétal, économique, environnemental, ou simplement à colorer un site ou un quartier.
« La rue permet d’avoir un lien direct avec le public, de toucher toutes les tranches d’âge et d’être accessible à tous »
« L’art est pour tout le monde », aimait à dire Keith Haring, l’une des figures de l’art urbain américain. La rue a ainsi révélé de nombreux talents dont certains sont aujourd’hui des références mondiales comme Banksy, Keith Haring, Shepard Fairey, Invader, Blek Le Rat ou JR. Pour Arnaud Oliveux, « ils incarnent quelque chose de représentatif sur ce marché : Banksy avec l’ironie de ses messages, JR avec son travail documentaire et photographique ».
… qui s’institutionnalise
Bien qu’il soit encore surtout pratiqué de manière illégale, l’art urbain a acquis avec le temps une certaine légitimité et légalité puisqu’il fait régulièrement l’objet de ventes aux enchères. Il est aussi de plus en plus présent dans les galeries et musées de manière éphémère ou permanente. À ce titre, la France est une place très active et mondialement reconnue tant pour la création que pour le nombre de galeries ou l’organisation d’expositions ou d’enchères.
« Le Centre George Pompidou a créé au printemps dernier un département consacré à cette thématique, signe que ce mouvement, longtemps relégué au rang d’art marginal, est aujourd'hui un courant à part entière de l’art contemporain »
Le musée a ainsi enrichi sa collection d’œuvres de Gérard Zlotykamien, de Miss Tic et Invader a collé sa 1 500ème mosaïque parisienne sur l’un des tuyaux d’air conditionné colorés. Certains regrettent ce passage du macadam aux musées ou lambris des appartements dans la mesure où ce mouvement tire son suc et son sel de la rue. D’autres, au contraire, considèrent qu’il n’a pas vocation à y rester. Les artistes urbains acquiert ainsi une forme de reconnaissance pour leur travail et cela permet de captiver un public plus large, au-delà des frontières classiques de l’art.
Plaisir et diversification
Cette institutionnalisation témoigne également d’un réel engouement pour cet art de la part des collectionneurs et amateurs d’art, toujours plus nombreux. En achetant une œuvre, ils combinent plaisir et diversification de leur patrimoine, et reconnaissent son potentiel de valorisation à long terme. Achetée en 2005 quelques milliers d’euros, l’œuvre Rubik Mona Lisa d’Invader (voir photo) a été adjugée 480 000 € par Artcurial en 2020. Mais avant de se lancer, Arnaud Oliveux conseille « de se documenter, de ne pas hésiter à pousser les portes des galeries spécialisées, d’assister à des ventes aux enchères. Mais aussi d’échanger avec des experts au fait des tendances et qui sauront vous donner les clés pour déchiffrer les œuvres ». Le choix se portera sur des artistes iconiques et à forte notoriété, dont certaines pièces atteignent plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros. Et parfois plusieurs millions d’euros, l’exemple emblématique et exceptionnel étant La Fille au ballon de Banksy vendue 21,8 millions d’euros en 2021. Il peut aussi être pertinent de s’intéresser aux artistes émergents qui deviendront, peut-être, chef de fil. L’assurance de réaliser une plus-value en cas de revente.
Fiscalité allégée
Sur ce point, tout produit issu d’une vente est imposé au régime des plus-values s’il est supérieur à 5 000 €. Deux options possibles : une taxe forfaitaire de 6,5 % du prix de vente ; une imposition de la plus-value de cession au taux de 36,2 % après un abattement de 5 % par année de détention au-delà de la deuxième, conduisant à une exonération totale d'impôt sur le revenu après 22 ans de détention*. Mais comme le rappelle Arnaud Oliveux, « l’achat d’une œuvre ne doit pas être motivé par une espérance de gain. Elle doit avant tout présenter un intérêt et vous plaire, surtout si elle a vocation à être exposée dans votre salon ».
* Le vendeur doit justifier de la date et du prix d’acquisition et qu’il la détient depuis plus de 22 ans